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"L'étrange cas du Dr Jekyll et Mr Hyde", R. L. Stevenson (1886)

Dernière mise à jour : 22 oct. 2022

Concepts : FANTASTIQUE – DUPLICITE – VILLE - IDENTITÉ




Un autre jour, un autre classique de la littérature fantastique. L’œuvre du jour a même fait son entrée dans le langage courant : L’étrange cas du Dr Jekyll et de M Hyde (1886).

Robert Louis Stevenson (1850-1894) est né à Edimbourg dans famille calviniste et puritaine. Pour la petite anecdote, il a d’abord écrit une première version de ce court roman que sa femme a jeté au feu ! Le texte aujourd’hui publié est donc la deuxième version de l’œuvre.

R. L. Stevenson propose ici un livre qui a la particularité de pouvoir se lire comme un récit fantastique ou comme un récit policier. Le contexte de l’écriture transparait dans l’œuvre, notamment avec la question du darwinisme. R.L. Stevenson écrit à un moment où l’on se pose beaucoup de questions sur l’origine de l’homme. Ce n’est donc sans doute pas un hasard si Mr Hyde est souvent comparé à un animal, notamment au singe.

Le narrateur, un notaire du nom de Gabriel Utterson, enquête sur la relation qui lie son ami, le charmant docteur Henry Jekyll, et l’inquiétant Edward Hyde.

L’action se déroule dans un décor typiquement fantastique (I) et explore la question du dédoublement de personnalité (II) qui invite le lecteur à mobiliser d’autres concepts tels que l’identité ou encore la conscience.


I. Un décor fantastique

La ville a une dimension fantastique dans L’étrange cas du Dr Jekyll et de M Hyde. Il s’agit du Londres brumeux, du Londres inquiétant dans lequel, la nuit, un monstre rôde. Cet être vil qui parcourt les rues sombres de la ville, deux ans avant le tristement célèbre Jack l’Éventreur, assassine et violente ceux qu’il croise.

Un détail concernant le décor est particulièrement intéressant dans ce roman : non seulement Henry Jekyll souffre d’un dédoublement de personnalité (cf partie suivante) mais la duplicité est également présente dans le décor. Ainsi, sa maison, quasi anthropomorphique, présente cette duplicité puisqu’elle héberge, d’un côté, le cabinet du docteur et, de l’autre, le laboratoire secret qui sert de repère à M. Hyde.


II. Le dédoublement de personnalité


L’ultime chapitre « X. Henry Jekyll fait l’exposé de son cas » est particulièrement intéressant et je vous conseille d’arrêter la lecture de cet article si vous ne souhaitez pas connaitre l’origine de la particularité du Dr Jekyll.


Cet ultime chapitre révèle la profondeur de la réflexion de Stevenson sur le dédoublement de personnalité. Dans ce récit, ce dédoublement est une véritable métaphore du bien et du mal. C’est finalement assez proche de l’image d’un individu qui aurait un petit ange sur une épaule et un petit démon sur l’autre qui lui murmureraient à l’oreille des incitations contradictoires. La différence avec cette image, dans l’œuvre de R. L. Stevenson c’est que son personnage n’est pas tourmenté par une entité extérieure : il est à la fois l’ange et le démon.

Le docteur Jekyll pense avoir découvert une vérité : « l’homme n’est pas un, mais bien deux ». Il se lance donc dans la création d’une drogue qui lui permettrait de placer les deux aspects de sa personnalité dans des individualités distinctes. Henry Jekyll accouche véritablement de son double, dans la souffrance et dans la peur (de mourir). La coupure n’est cependant pas totale entre les deux entités, comme après un accouchement, car Jekyll se souvient de ce qu’il fait quand il est dans la peau de Mr Hyde.

Stevenson imagine la physionomie du mal (sur ce sujet cf Frankenstein). Comme il vient de naître, il imagine le « mauvais côté » de Jekyll comme « moins robuste et moins développé » et aussi plus petit. Hyde est surnommé le démon et présente d’autres caractéristiques physiques notables : « Le mal, en outre (où je persiste à voir le côté mortel de l’homme), avait mis sur ce corps une empreinte de difformité et de déchéance. ». On note, bien sûr, que le nom que Jekyll donne à ce double n’est pas un hasard : « Hyde » vient de « hide » qui, en anglais, signifie « cacher ». Cette référence est d’autant plus évidente que si Hyde est caché, Utterson propose d’être M. Seek (« chercher » en anglais) pour le retrouver.

Cette difficulté à déterminer son identité apparait clairement dans la manière dont le Dr Jekyll écrit sa lettre de confession (attention je fais référence ici à l’édition française en ma possession). Alors qu’il en est l’auteur, Henry Jekyll fait référence à « Jekyll » comme il ferait référence à une autre personne. Il fait la même chose quand il veut parler de M. Hyde. Cette particularité fait que lorsqu’il emploie les pronoms « je » ou « moi », le lecteur ne peut que se demander qui est véritablement ce « moi » qui n’est ni Jekyll, ni Hyde...

Stevenson aborde également les thèmes de la conscience et de la responsabilité notamment parce que Hyde et Jekyll ont une conscience commune. Stevenson interroge la façon dont un individu pourrait gérer des actions commises par son « autre-soi » : « C’était Hyde, après tout, le coupable, et lui seul. Jekyll n’en était pas pire ; il trouvait à son réveil ses bonnes qualités en apparence intactes ; il s’empressait même, dans la mesure du possible, de défaire le mal que Hyde avait fait. Et ainsi s’endormait sa conscience. »


Conclusion

Il n’était évidemment pas possible de passer à côté de ce classique de la littérature fantastique ! Sans aller nécessaire jusqu’au trouble bipolaire qui relève de la psychiatrie, R.L. Stevenson pose la question de ce que nous portons en nous, sur notre faculté à être capable du meilleur, comme du pire…

Bibliographie

  • STEVENSON, R. L., L’étrange cas du Dr Jekyll et de M. Hyde, 2018, Editions J’ai Lu, Collection : Librio, traduction de Théo Varlet

Aller plus loin

  • Le livre : STEVENSON, R. L., Maître de Ballantrae, 1889

  • Le film : Fight Club de David Fincher, 1999 (avertissement violence)

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